SOURIEZ, VOUS ÊTES FILMÉS!
Recherche grand poète pour grande odyssée 26 janvier 2000
Osez!
Je viens de relire La légende des siècles de… Victor Hugo. Bravo, vous n'avez pas tout oublié! Quel homme de lettres le père Hugo! Il est l'un des rares qui m'obligent encore à garder un bon dictionnaire sous la main: tant la langue que l'Histoire ou la mythologie sont pressées jusqu'à en extraire tout le suc. Mais quel plaisir que de lire ces milliers de vers presque avec autant d'aisance et de plaisir qu'on lit une bande dessinée. (Oui, il m'arrive d'en lire, aussi surprenant cela soit-il!)
Et en achevant cette saine lecture - Je n'ose écrire: "en refermant le livre", car il s'agissait d'un fichier récupéré sur le réseau. - je me suis demandé: "Combien en est-il encore, dans notre beau pays, de poètes capables d'un tel exploit? Combien oseraient retracer une quelconque épopée en vers jolis et en faisant montre d'une culture aussi vaste?"
Je préfère ignorer la réponse, de peur d'être déçu. De toute façon, il ne faut pas vivre sur le passé, n'est-ce pas? Au moins, cette maxime permet-elle de tout justifier, le meilleur comme le pire, surtout le pire, hélas!
Il n'empêche… Quelle entreprise! Et si un sujet, aussi futile soit-il, pouvait m'inspirer, à moi, poète sans talent, une semblable envie? Et si je poussais l'audace jusqu'à vous imposer la lecture de tels vers? A défaut d'autre chose, cela serait assurément un bon exercice de style, ne pensez-vous pas? Et comme vous le pensez… A moins que cela ne vous tente avant moi, auquel cas je m'inclinerais bien volontiers devant votre courage et, éventuellement, devant votre talent.
Quelle serait la source d'inspiration d'une telle aventure? Un épisode de la mythologie grecque ou de quelque autre mythologie? Une histoire, roman ou nouvelle, d'un auteur fameux, mais tombée dans le domaine public, car en ce monde de marchands… L'histoire d'un illustre personnage ou d'une illustre famille, si toutefois vous m'épargnez celle de Lady Di? Un événement historique? Epargnez-moi aussi la Seconde Guerre mondiale. Elle semble inspirer aujourd'hui la moitié des auteurs de bouquins, comme s'il s'agissait de la panacée universelle pour vendre.
Quoi qu'il en soit, je fais confiance à votre imagination débordante pour trouver un sujet passionnant. Rien n'interdit d'ailleurs que plusieurs personnes se lancent dans ce projet simultanément. Quant à moi, je vais y réfléchir de ce pas!
Le Vilain Bonhomme
Internet: un marché pour les psychiatres? 26 janvier 2000
Soyez décents!
Alors, il vous a manqué, le Vilain Bonhomme, au cours de cette semaine d'absence? C'est que, vilain ou pas, il est humain et donc sujet aux influences néfastes que sont les miasmes démoniaques du rhume. Eh oui, un simple rhume, cependant suffisant pour embrumer l'esprit, lui faire percevoir la réalité à travers un filtre plus sombre encore qu'un jour de pluie à naviguer sur les sites poétiques de notre belle toile. C'est vous dire!
Néanmoins, grâce à Dieu, ou à tout autre divinité, croyance ou concept farfelu susceptible de jouer un tel rôle, il n'est pas mort. Hélas! entends-je soupirer dans la foule assemblée sous mes fenêtres. Hélas! donc, il faudra en prendre votre parti.
Donc, comme à mon habitude, j'ai parcouru la toile de long en large, et qu'y ai-je trouvé cette fois? Des diarists! Il s'agit d'un auteur de journal plus ou moins intime, pour les réfractaires à la langue de Shakespeare.
Eh bien, oui, je vais m'en prendre à cette faune étrange. Mais attention, je tiens à faire la différence entre ceux qui tiennent un journal que je qualifierais d'ordinaire, à vocation littéraire, de ceux qui tiennent leur journal, auquel cas il convient d'ajouter l'adjectif intime. Je parlerai donc de ces personnes qui parlent d'elles, encore et toujours, de ce qu'elles ont fait dans la journée, de leurs petites misères et, beaucoup plus rarement, de leurs joies.
Elles sont là, par centaines - Que dis-je? - par dizaines de milliers! Car c'est bien de cela que sont constituées la plupart des pages personnelles de la toile: de pages parlant de… moi. On y trouve bien sûr l'inévitable photo du maître ou de la maîtresse de lieux, photo généralement floue, mal cadrée, prise à contre-jour, etc.
A ce sujet, je ne lasse d'ailleurs pas de m'interroger. Les appareils photos intègrent désormais tellement d'électronique dans leur petit boîtier que je me demande comment on peut rater une photo. Il faut vraiment s'y prendre comme un plouc, si vous me passez cet écart de langage. Car enfin, il faut le faire exprès pour rater une photo. Même moi, qui ne suis pourtant pas un expert en ce domaine, j'arrive à obtenir des images nettes sur lesquelles on parvient sans trop d'effort à faire la différence entre le petit dernier du fils de mon voisin et les kangourous rencontrés lors de mon dernier safari en Australie! Si j'étais fabriquant d'appareils photo, il y a longtemps que je me serais tiré une balle dans la tête en voyant à quel point certains sont lamentablement et désespérément indécrottables.
Mais revenons à nos moutons, ceux de Panurge, dans le cas présent. Qu'ont-ils donc, ces braves gens, à ne parler que d'eux? Leurs pages, outre leur photo, contiennent généralement une description détaillée de leurs activités quotidiennes, fastidieuses et banales au possible, de leurs centres d'intérêt, tout aussi communs, de leurs hobbies sans oublier les liens qui renvoient vers les sites de leurs amis, copies conformes les uns des autres!
Sont-elles malheureuses, ces personnes, pour n'avoir ainsi quiconque à qui parler! Car c'est bien de cela qu'il s'agit, n'est-ce pas? Ces personnes veulent communiquer, pour reprendre l'un des trois mots qui auront marqué cette fin de siècle, les deux autres étant Internet et productivité. Mais avec qui communiquent-elles si ce n'est avec elles-mêmes? Car qui lit leur petit machin médiocre? Qui va perdre son temps à lire des lignes truffées de fautes, dont le contenu exprime à la virgule près ce que dix millions d'autres personnes vivent chaque jour?
Si vous cherchez des ami(e)s, ce n'est certainement pas la bonne méthode. Sortez de chez vous! Je préfère encore tomber sur la page d'un otaku, qui connaît son domaine et qui a quelque chose à offrir à l'esprit plutôt que sur ça! Si vous avez des problèmes, comme on dit, parlez-en, mais pas seul dans votre coin, sans quoi cela relève de la schizophrénie la plus pure! C'est d'un psy dont vous avez besoin, braves gens! Et plutôt que de dépenser votre argent en téléphone, allez donc consulter!
Justement, les psychiatres et autres psychothérapeutes, où sont-ils? Il y a là un marché colossal. On est en train de se rendre compte que près de la moitié de la société a un problème énorme, et personne n'en profite. Je pensais pourtant que nous vivions dans un monde de marchands, un monde où tout était à vendre. Me serais-je trompé? Nul doute pourtant que cela doit déjà exister aux Etats-Unis. Nul a-t-il raison ou pas? (Celle-là, elle est vache!)
Pour conclure, je tiens à préciser que je n'ai rien contre ces personnes. Mais qu'on leur réserve un Internet bis sur lequel elles pourront sévir en toute tranquillité et épargner une perte de temps considérable à ceux qui sont curieux et veulent utiliser le réseau pour découvrir des choses intéressantes!
Le Vilain Bonhomme
Et si nous élevions le niveau? 20 janvier 2000
Un exercice de style
Je poursuis mes promenades sur la toile, jour après jour. Hier, j'ai trouvé la chaîne poétique, qui partait d'un bon sentiment. Les vers y sont jolis et les fautes peu nombreuses. Mais ici comme ailleurs, tout me semble bien plat. Aussi, je vous propose un petit quatrain en guise d'exercice de style, histoire de juger de votre culture littéraire, chers poètes. Bien sûr, il sera écrit dans le style de cette fameuse chaîne.
Et si sous votre plume, par l'esprit maîtrisée,
Et si dans votre tête, bien faite plutôt que pleine,
Tel un rêve pénétrant, digne de l'Elysée,
Fleurissait la finesse, du Mal souveraine?
Alors, combien parmi vous ont compris mes hommages? Si peu! Ah, il est plus facile de travailler la forme que le fond. C'est un peu comme Astérix. On peut le lire à bien des niveaux: la chose est toujours plaisante. Mais pour celui qui connaît ses classiques, Uderzo fait figure d'intellectuel car les références littéraires sont partout.
Je ne suis pourtant point un grand lecteur, mais tout de même, il me reste quelques petites choses. Le second vers est bien sûr une référence à Michel de Montaigne, qui préconisait à ses étudiants d'avoir une tête bien faite plutôt que bien pleine. Le troisième est une allusion au rêve étrange et pénétrant de Verlaine. Quant au dernier, "fleurir" et "Mal" se rapportent de toute évidence aux Fleurs du Mal.
Tel est donc le sujet de mon coup de gueule aujourd'hui: la platitude de ces millions de vers qui hantent le réseau. Ne pourriez-vous pas, messieurs les poètes aux beaux discours, ne serait-ce qu'une fois par an, vous donner la peine de passer quelques jours ou quelques semaines sur un unique poème? Ne pourriez-vous pas le bichonner, y mettre le meilleur de vous-même et songer au lecteur, imaginer son sourire radieux en découvrant des vers subtils?
J'ai vu sur certains sites une production effarante, digne du père Hugo. Et Dieu sait qu'il en a écrits des vers, notre divin Victor! Mais, las! Bien peu m'ont fait sourire. Les mots s'alignent, les uns derrière les autres, parfois ils riment, plus rarement ils sont exempts de fautes, et presque jamais on n'y trouve de traits d'esprit. Ah, si, quelques jeux de mots bien sentis, souvent des calembours. Mais en cela comme en toute chose, point trop n'en faut. Et entre les lignes, rien…
Comment faisaient-ils donc, ces poètes d'autrefois, pour aligner des vers aussi joliment tournés avec une telle facilité? Ils travaillaient, pardi! Ils travaillaient, et ils lisaient, car lorsqu'on se targue de faire de la littérature, la moindre des choses c'est d'en lire, d'apprendre à la comprendre puis à l'apprécier afin d'en tirer la substantifique moelle. En fait, la facilité n'est qu'apparente.
La race est-elle donc éteinte? Personne ne reprendra-t-il le flambeau de la recherche artistique? Ne comptez pas sur moi! Je ne suis que lecteur et poète sans talent!
Tout compte fait, oui, c'est une triste époque que la nôtre.
Le Vilain Bonhomme
Existe-t-il une sagesse universelle? 19 janvier 2000
Quand les grands esprits se rencontrent…
Je viens de relire les Analectes de Confucius, non que je sois un fervent admirateur de la prétendue sagesse orientale, mais simplement par ce qu'un honnête homme se doit d'être curieux. Et j'y ai trouvé une sentence étonnante: "Real knowledge is to know the extent of ones ignorance." (Oui, c'est un bouquin anglais.) dont la traduction, pour ceux qui ignoreraient encore la langue de Shakespeare, donne à peu près ceci: "La véritable connaissance, c'est de connaître l'étendue de son ignorance."
En quoi est-ce étonnant? Lisez donc le petit poème qui date de ma première intervention, à la fin de ce document et vous comprendrez.
Que s'est-il donc passé? Ai-je acquis la sagesse du grand maître?(Voilà qui me fait bien rire. Moi? Sage?) Me souviendrais-je, inconsciemment de ma première lecture de son œuvre? Diable, voilà qui est pour le moins troublant.
Peut-être avons-nous ici la preuve qu'il existe au fond de chacun d'entre nous un soupçon de sagesse, un petit quelque chose universel qui serait susceptible de faire de nous des êtres humains à part entière; je veux dire, des êtres dont la principale caractéristique est de se servir de leur cerveau et pas seulement de leurs muscles.
Oui, il me semble que cette simple phrase est ce que l'on pourrait appeler une "vérité profonde", une idée issue d'un raisonnement logique. Encore faut-il l'appliquer…
Je vous laisse méditer tout cela.
Le Vilain Bonhomme,
Disciple du Maître
Mais que leur apprend-on donc à la maison? 17 janvier 2000
La peste soit de la paresse et des paresseux!
Je suis d'une impolitesse crasse! Vous me direz: :" Pour un vilain bonhomme…" Mais non, je veux parler de l'an 2000. J'ai tout simplement oublié de vous souhaiter une bonne et heureuse année 2000. Voilà qui est fait.
Au fait, nous ne sommes pas sur un ring scientifique, donc je suppose qu'il en est certains - Pas toi, bien sûr, ami lecteur! - qui ignorent encore que le troisième millénaire ne commencera qu'en 2001, le 1er janvier à 00h00, pour être exact. Idem quant au 21ème siècle. Tout cela parce qu'il n'y a pas eu d'année zéro.
Tout cela revient en fait à un petit problème très simple de mathématiques. "Je veux tendre une clôture en ligne droite sur dix mètres en plantant un poteau tous les mètres. Combien y a-t-il de poteaux?" Combien ont répondu dix? Faites-donc un dessin. Eh, oui, tout cela revient à faire la différence entre un intervalle et ses bornes, un problème de Cours Moyen…
A la lumière de ces quelques lignes, on comprend pourquoi si peu de parents se chargent de l'instruction de leurs enfants. Ils auraient l'air malin face à leur gamin de dix ans. Non seulement il se débrouille mieux qu'eux avec un ordinateur, mais en plus, c'est un "génie des maths".
Le Vilain Bonhomme
Mais que leur apprend-on donc à l'école? 16 janvier 2000
Il n'est jamais trop tard pour apprendre !
Toujours aussi curieux, j'ai poursuivi ma petite visite des sites littéraires. Littéraires… C'est cela, c'est cela! Si j'avais fait la moitié des fautes d'accord, de conjugaison et d'orthographe qu'on trouve sur ces sites alors que j'étais encore en sixième, on m'aurait fait recopier dix fois la dictée!
Bon sang, ce n'est pas possible! Comment peut-on avoir l'audace de se prétendre "littéraire" et de massacrer la langue de la sorte? Un peu de respect, que diable! Ne relisez-vous donc jamais ce que vous écrivez? Cela en dit long sur la valeur que vous accordez à vos propres écrits!
Si vous écrivez pour vous, c'est très bien. Utilisez votre traitement de textes, faites-vous de beaux fichiers truffés de fautes, mais surtout, gardez-les! Pour qui écrivez-vous? Pour vous ou vos lecteurs? Ayez donc un peu pitié d'eux. Qu'une ou deux fautes résistent au vérificateur d'orthographe ou à l'attention, passe encore, mais on les compte par poignées dans chaque texte!
D'aucuns diront que certains grands écrivains… Oui, mais l'ennui, c'est que vous n'êtes pas de grands écrivains, du moins, pas encore. Laissez donc le temps faire son travail et, de votre côté, faites le vôtre! Les dictionnaires ne sont pas fait pour les chiens, pas plus que les bouquins de grammaire!
J'en devine une bonne partie, de ces écrivaillons: trop fainéants pour ouvrir un bouquin, ils se souviennent vaguement que dans une poésie des vers doivent rimer. Dès lors, tout est bon. Et de protester haut et fort qu'on ne les comprend pas si par malheur un imbécile de mon espèce leur fait remarquer leurs faiblesses. Seulement voilà, même si certains ont pu et peuvent aujourd'hui encore se permettre de telles libertés avec la langue française, ils ont fait leurs preuves, eux, et surtout, ils sont peu nombreux! On n'expérimente rien quand on ne maîtrise pas son sujet! Et on se souviendra à juste raison de Tchernobyl.
Que m'importe ce que vous pensez! J'ai la conscience tranquille, car je respecte mes lecteurs, même s'ils sont peu nombreux! Quand on se targue d'écrire des vers, fussent-ils mauvais, on peut au moins avoir la décence de se souvenir que la poésie consiste à utiliser toutes les ressources de la langue dans laquelle on s'exprime. Encore faudrait-il pour cela que ces gens-là fussent capables de faire de la prose correctement.
Enfin, quoi, soyons sérieux! Vous me faites penser à ces présentateurs de la télévision ou de la radio qui s'expriment trente minutes par jour, la demi-heure étant d'ailleurs largement amputée par des reportages, et qui sont incapables de faire une phrase sans la ponctuer de deux fautes de syntaxe et d'une autre d'accord. Et P.P.D.A. n'est pas le dernier, loin s'en faut! "Faut pas jouer à Apostrophes sous prétexte qu'on a un nom à particule…" Je sais, elle est facile.
Mais bon, reprenez-vous! Vous valez mieux que cela. Vous faites partie de cercles littéraires, oui ou non? Si j'étais le Seigneur des Anneaux, le ringmaster, comme on dit, mais je n'ai pas pu résister non plus, je couperais tous les liens et je ferais un anneau tout seul dans mon coin!
Pardon? Dites-donc, restez polis!
Le Vilain Bonhomme
Des littérateurs contemporains et surtout des poètes 12 janvier 2000
Heureux les simples d'esprit !
Amateur de poésie... Existe-t-il des professionnels de la poésie et, surtout, s'il en existe, sont-ils meilleurs que les amateurs, je veux dire, que ceux qui en écrivent en tant qu'amateurs, par opposition aux professionnels ? Après tout, certains particuliers sont assurément meilleurs mécaniciens que bien des garagistes. Mais ne nous égarons pas : les automobilistes viendront en leur temps sur cette page...
Donc, amateur de poésie, je me suis promené quelques heures sur le Web à la recherche de sites intéressants. Première constatation surprenante : les sites consacrés à la poésie sont bien plus nombreux que la plupart des autres sites littéraires ! " Ah ! me dis-je, la technique se met au service de l'art ! Voyons donc de quoi il retourne. " Et de parcourir la toile de site en site, quand bien même la rubrique consacrée à Polymnie n'occupait-elle que quelques lignes parmi des millions d'autres.
Le résultat fut plutôt agréable, je l'avoue. Chacun compose à sa manière, en fonction de ses goûts et de son bagage. Bien sûr, j'ai détesté certaines choses, j'en ai adorées d'autres, mais, au-delà de ces considérations toutes personnelles et qui ne relèvent que du goût de chacun, j'ai surtout été déçu par l'attitude de certains poètes, assurément plus doués que d'autres, qui semblaient considérer ce petit monde avec bien de la hauteur.
Je déteste la littérature, et plus encore toute forme d'art. Plus exactement, je déteste ce que le vingtième siècle en a fait. A qui la faute? Au règne de la médiocrité qu'engendre inévitablement la multitude? Ou à ces artistes géniaux, qui ont su profiter du snobisme de tous ces imbéciles, dont je suis parfois, et qui se pâment devant n'importe quoi? Il semble que l'escroquerie intellectuelle soit indubitablement la plus grande trouvaille du siècle.
Je déteste toute cette prose écrite par de doctes gens sans humilité, ce que jamais je ne pourrai leur pardonner. Car ceux-là, contrairement à l'idiot du village, ont, ou devraient avoir, toute la culture nécessaire pour mesurer l'étendue de leur ignorance. Ceux-là devraient se rendre compte que chaque réponse cache dix questions nouvelles et que c'est là un cycle éternel. Sans doute les scientifiques se sont-ils mieux débarrassés, au siècle dernier, de cette gangue de fatuité qui leur avait fait espérer pouvoir expliquer l'univers tout entier grâce à la science.
Qu'en est-il donc des littérateurs de tout poil?
Des poètes, il y en a partout. Mais combien verront leurs vers leur survivre? Vous pouvez certes, vous les pédants sans talent, écrire en faisant une faute à chaque mot, arguer du fait que vous êtes au-dessus des servitudes de la langue, que ceux qui vous critiquent n'y comprennent rien.
Cependant, vous manquez votre but, car vous ne flattez ni l'œil ni l'oreille, ce qui, reconnaissez-le, est le propre de l'art. Le seul sentiment que vous suscitiez, c'est un vague dégoût, voire, un geste rageur suivi d'imprécations que la décence m'interdit de citer ici. Vous pouvez vous révolter, me maudire s'il vous-plaît. Pourtant, vous ne m'empêcherez pas de penser que les vers maladroits d'un enfant, qui demande à sa mère comment s'écrit tel ou tel mot ou qui a le courage d'ouvrir un dictionnaire, sont d'autant plus émouvants que, derrière, se cache un travail important, celui qui consiste à donner le meilleur de soi-même.
Raillez donc, braves gens! Le temps sera votre juge. Sachez néanmoins que pas un chef-d'œuvre ne fut écrit sans un travail sérieux.
Et puis il en est quelques-uns, discrets, presque invisibles, conscients de la vanité de l'homme ou écrasés par votre morve, qui composent, dans un anonymat presque total, des vers d'une beauté céleste, poussières d'étoiles dans un écrin de puces électroniques. Ceux-là, croyez-m'en, malgré leur répugnance à introduire la "biscotte dans le grille-pain", sont déjà assurés de retrouver des dizaines de milliers de copies de leurs " pacotilles " chez d'autres amateurs, tout aussi insignifiants et conscients de l'être.
Triste époque que la nôtre? J'en doute. Pour ne parler que des poètes, combien ont laissé leur trace dans l'Histoire? Sans doute avons-nous tous aujourd'hui le moyen de nous exprimer, mais nous ne sommes maîtres ni du temps ni des modes. Dommage! Il me plairait assez de voir certains tomber de leur piédestal. Cela me permettrait de leur botter les fesses...
Ensuite, je voudrais ajouter que les médiocres au ton professoral, par une justice immanente, se sentiront inévitablement visés par ces quelques lignes. Ce sont eux, bien sûr, qui réagiront le plus vivement. Les autres se poseront des questions sur leur travail, remettront un ouvrage pourtant soigné sur le métier, mais se garderont bien de répondre, trop conscients de la futilité de leur œuvre et de ce coup de gueule pour perdre leur temps à rédiger une quelconque réponse. A ces derniers, j'adresse toute mon estime et mon plus beau sourire en guise de remerciements pour les moments agréables qu'ils ont su et sauront me faire passer.
Pour conclure, un petit mot au sujet des ronchons, souvent pétris de talent, qui sont agacés par tous ces poèmes qui ne parlent que d'amour ou de désillusion. Il faut bien parler de quelque chose, et, ce me semble, les sentiments humains de cette nature sont parmi les plus intenses, les plus immédiatement accessibles et aussi les plus universellement partagés. Certains se lamentent de ce que l'on aborde guère que ces émotions, mais c'est oublier que l'homme est émotion et que tout ce qu'il fait est conditionné par elle, à un moment ou à un autre. Même le mathématicien s'émeut devant la beauté délicate de la théorie des nombres ou le physicien face aux équations de Maxwell. Ecrire de la poésie sans émotion, c'est rechercher l'acte gratuit de Lafcadio. Piètre quête pour la seule espèce animale pensante parmi cinquante milliards qui auraient vécu sur notre petite planète !
A tous ceux-là, et peut-être pour mettre tout le monde d'accord (Là, je rêve !), je voudrais juste demander de ne pas se prendre trop au sérieux. Ecrire, comme tant d'autres choses, est un plaisir autant qu'une distraction. Plutôt que de perdre votre énergie à critiquer les autres, attelez-vous donc à vous améliorer, car la critique est aisée, mais l'art est difficile. (C'est d'ailleurs ce que je vais faire de ce pas !) Et dites-vous bien que quoi que vous fassiez, vers minables à peine dignes d'un stylo bille ou chef-d'œuvre immortel que les cent générations suivantes chanteront, il y aura toujours une n+1ème génération à partir de laquelle on vous oubliera, si toutefois cette génération-là doit jamais voir le jour. A ceux qui l'auraient oublié ou qui l'ignoreraient, je tiens enfin à rappeler que l'univers a environ quinze milliards d'années et l'espèce humaine trois millions. Et vous ?
En un mot comme en cent, je préfère mille fois la compagnie d'imbéciles ou de personnes d'une intelligence rare à celle de personnes moyennes, bouffies d'orgueil et qui ne cachent derrière leur discours pseudo-savant que l'ampleur de leur ignorance !
Et pour illustrer mon propos, voici ce que je n'ose appeler un poème. C'est à peine si les rimes sont jolies, et cependant je puis vous assurer que ce fut laborieux !
Petits !
A toi poète infuatué,
Pour toi chercheur bouffi d'orgueil,
Aux littérateurs affectés,
Ces quelques vers pour tout accueil.
Beaux diplômes et docte savoir,
Echauffent l'âme et la passion,
Couvrent les murs de miroirs,
Ferment l'esprit à la raison.
A ceux qui jamais n'ont ouvert,
Les gros volumes au ton savant;
A ceux qui lisent prose et vers,
Et dont la morve fait écran,
A ceux-là donc, ami lecteur,
Je voudrais dire mon mépris.
Tant le dédain que les erreurs,
Condamnent le fat à l'oubli.
Si l'ignorant croit tout connaître,
Accordons-lui cette jouissance;
Mais le savant doit reconnaître,
L'étendue de son ignorance !
le 9 janvier 2000
Rhâââ, ça fait du bien !
Le Vilain Bonhomme
La suite au prochain épisode